Bande dessinée

Publié le par Scritch

Nuits rouges, Georges Franju, 1974

 

Nuits rouges est la version cinéma du feuilleton télévisé L'Homme sans Visage ; ce montage plus court n'altère pas la compréhension du récit et parvient à conserver sa nature feuilletonesque. Nuits rouges est en fait une adaptation contournée (Franju n'a jamais réussi à obtenir les droits) de Fantômas, en reprenant le principe du méchant très méchant qui change sans cesse de visage, retournant aux sources romanesques plus cruelles que les versions comiques réalisées par André Hunebelle.nuits-rouges.jpg

On comprend assez aisément pourquoi Jean Rollin (j'insiste un peu) se réclamait de Franju : on retrouve chez les deux le même goût des objets anciens, la même poésie des lieux : rues parisiennes, bâtisses médiévales. Il y a là une manière assez habile de trouver de l'exotisme dans des décors pourtant typiquement français, du fantastique dans des endroits bien réels et aisément accessibles. Parenthèse : au moment où la mairie orléanaise a émis l'idée de retoucher une de ses rues pour y installer un tramway, un activiste a fait circuler un étonnant relevé de toutes les fantaisies historiques que l'on pouvait trouver dans cette rue au premier abord assez quelconque. Franju effectue un boulot semblable de sélectionneur, montrant des choses qui semblent extraordinaires alors qu'on passe tous les jours à côté sans les voir. On ne glorifie pas assez dans le processus cinématographique le travail de repérage.

Ce côté antiquaire est contrebalancé par une photographie qui fait un peu penser à celle des films de Walter Hill et Jonathan Kaplan, avec par moments des rouges et des bleus qui deviendront la norme dix ans plus tard, jusqu'à la caricature. Cette modernité formelle se retrouve aussi dans la touche BD du film. Le scénariste et acteur Jacques Champreux, qui dit avoir glissé dans le film des références à Spider-Man, affirme pourtant que Franju détestait la bande dessinée. Reste que son scénario pourrait être celui d'un Dylan Dog ou d'un Martin Mystère, et que la monte-en-l'air vêtue de noir, objet de le plus belle scène du film, ressemble autant à Catwoman qu'à Irma Vep. Quant à l'Homme sans Visage, c'est carrément le Red Hood de Batman avec trente ans d'avance. Si cette splendeur filmée est aussi aisément susceptible d'enchanter les amateurs de comic-books, c'est parce que comme les feuilletons dont se réclame Franju ceux-ci visent (et parfois parviennent) à raconter des choses invraisemblables de la manière la plus crédible et cohérente possible. Comme chantait Adam Ant : Ridicule is nothing to be scared of.

Publié dans Rêveries

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