L'Efficacité Télévisuelle

Publié le par Scritch

Geronimo, Arnold Laven, 1962

 

C'est parmi les plus grands plaisirs que découvrir un vrai bon film la où on n'attendait rien d'autre qu'un divertissement temporaire. C'est encore plus succulent quand cette réussite s'affranchit de tous les éléments qui font généralement ce qu'on appelle le grand cinéma : stars et spectaculaire. Laven est avant tout un homme de télévision (L'Homme de Fer, La Planète des Singes, L'Agence Tous Risques, entre autres) et l'esthétique n'est pas son mobile premier - le film est bien cadré, parce qu'il faut quand même avoir la décence de soigner la marchandise, mais c'est tout. Ce qui compte, c'est de bien raconter son histoire, avec fluidité. Et ça marche : on est captivé.geronimo.jpg

Comme le réalisateur, le casting vient de la téloche. D'abord, dans le rôle-titre, Chuck Connors, qui avait déjà tourné avec Laven dans The Rifleman, série co-crée par Sam Peckinpah, dont je n'avais jamais entendu parler mais qui fut paraît-il très populaire (cinq saisons) à l'époque du grand boum télévisuel. Connors a une mâchoire carrée à la Lundgren-Schwarzenneger et des yeux bleus Paul Newman perpétuellement plissés : une gueule marquante, sur laquelle repose pour beaucoup le pouvoir d'attraction du film. Aux côtés de Connors, on trouve Ross Martin et Adam West, c'est-à-dire rien moins qu'Artemus Gordon et Batman ! Quel besoin y aurait-il, alors de grands acteurs, je vous le demande ?

Geronimo s'en sort pas trop mal dans le délicat genre pro-indien, évitant le cliché du bon sauvage : le chef Apache est un mec pas très sympa, misogyne et passéiste. Certaines fines bouches trouveront que c'est une manière de ménager chèvre et chou en disant que chaque camp avait ses mauvais penchants ; pour ma part je ne trouve pas que ça nuise à l'efficacité du propos, au contraire : Geronimo a bien le droit d'être un gros con et ça n'est pas à un gouvernement d'occupation d'en décider. L'autre écueil évité, c'est celui du gentil blanc qui va venir aider les braves nindiens, ce qu'on pouvait un peu reprocher à Avatar ou A Man Called Horse ; il y a bien Adam West qui semble sans arrêt prêt à tenir ce rôle, mais le scénario le laisse en retrait : Geronimo n'a pas besin d'aide. Est-ce l'économie de série B du film qui lui permet ce positionnement ? On pourra sans doute titiller sur le fait que les rôles d'Apaches sont comme souvent en ces temps tenus par des blancs maquillés (Graham Greene et Wes Studi n'arriveront que bien plus tard) ; plus gênante est la conclusion qui semble signifier la supériorité du dialogue sur la guerre : on aimerait y croire, pour d'évidentes raisons morales, mais l'histoire a montré en quoi la parlotte pouvait aussi être un moyen d'embobiner les Indiens, et il n'est pas dit, même si certainement continuer la bataille les menait à une mort qui n'aurait réjouie que les romantiques les plus bornés, qu'ils aient tant que ça gagné à lâcher la lance.

Publié dans Tuff Guyz

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