Des Chinois rigolos

Publié le par Scritch

Security Unlimited, Michael Hui, 1981

 

Curieusement, alors que Les Cahiers ne tarissaient pas d'éloges sur son compte dans leur hors-série HK de 85, que c'était dans les années 70 une des grandes vedettes de la télévision de là-bas, qu'il est à l'origine du phénomène comédie cantonaise des années 80 (Richard Ng et les autres lui doivent beaucoup), c'est-à-dire qu'il tournait en cantonais (le mandarin étant jusqu'alors privilégié) des comédie quasiment dépourvues de kung-fu, Michael Hui est un peu passé à la trappe en France. On se souvient de quelques diffusions en fin de soirée aux tous débuts d'Arte, puis plus rien ; jusqu'à très récemment, il fallait se procurer ses films en import dans les boutique du treizième. Certes, cette rareté fait aussi leur prix, mais il est toujours un peu regrettable de voir les choses importantes réservées aux seuls connaisseurs.security.jpg

Cinquième film de Michael Hui, Security Unlimited présente l'intérêt de le mettre en scène aux côtés de ses deux frères, Sam (la future vedette des Aces Go Places) et le plus rare Ricky. Les trois frères, très dissemblables, incarnent chacun un archétype : le bouffon pour Ricky, le beau gosse pour Sam et le grincheux médiocre et tyrannique pour Michael. Ce qui est intéressant, c'est qu'à part Ricky dont le personnage est intrinsèquement comique, à cause du physique de l'acteur (petit et joufflu), ils jouent leurs rôles sérieusement, comme ils auraient pu le faire dans des films pas drôles. Cette manière, qui peut rappeler Leslie Nielsen, qu'à Michael Hui de faire semblant de ne jamais se rendre compte que son personnage est un parfait crétin, crée un effet grinçant qu'on ne retrouve pas, par exemple, chez les Lucky Stars, qui au contraire insistent bien sur le fait qu'ils sont dans une farce en surjouant la pitrerie, multipliant jusqu'à l'overdose (et même après) grimaces et cabrioles. Hui reste impassible, contenu, jusqu'à éclater, brièvement, comme un fil qui casserait car trop tendu, avant de se ressaisir et de retrouver sa raideur.

On pourra reprocher à Security Unlimited d'être un peu trop une suite de sketches pas vraiment liés entre eux, même si le finale parvient à rassembler en les répétant certains des gags éparpillés au fil du film. Il y a tout de même une certaine cohérence dans le propos, qui explore les différents rapports de classe au sein de la société hong-kongaise : Michael Hui y est un chef d'équipe qui maltraite ses subordonnés (qui ne ratent pas une occasion de lui manifester leur mépris rigolard), lui-même étant soumis aux ordres de ses supérieurs. Plusieurs séquences, à la limite entre l'humour et le malaise, mettent en scène des boat-people ou des habitants du quart-monde entassés dans un simili-bidonville, ce qui confère à Security Unlimited une singularité sympathique, qui tranche agréablement avec la tonalité nettement plus conservatrice des films de Sammo Hung ou Karl Maka.

Publié dans PTDR

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