Le Pire des Années Quatre-vingt ?

Publié le par Scritch

Staying Alive, Sylvester Stallone, 1983

 

Je l'ai déjà dit, je tiens Sly pour un cinéaste majeur, vraiment. Ceci dit, je comprends la réputation exécrable de Staying Alive, film vulgaire et ringard, comme puni par le temps pour avoir voulu saisir l'éphémère de son époque. Et pourtant, je pense qu'il y a dedans de belles et bonnes choses, cohérentes avec les habituelles thématiques stalloniennes - Tony Manero, le p'tit gars venu de la rue qui doit réussir par l'effort, est assez proche de Rocky Balboa. staying-alive.jpg

Commençons par là où le bât blesse : la musique et la danse. C'est embarrassant pour ce genre de film. On ne blâmera pas trop Frank Stallone pour son soft-funk en plastique à la Hall & Oates : les Bee Gees aussi sont cruellement moins inspirés que sur le précédent Saturday Night Fever, probablement la bande-son la plus émoustillante de tous les temps. Et la danse... Envolée l'élégance chic du premier épisode, place à l'esthétique Véronique et Davina. Finola Hughes est une actrice charmante, pleine de fougue, mais elle danse encore plus mal que Natalie Portman. Ce qui intéresse Stallone c'est l'effort physique, la sueur, la douleur. D'où ces corps lourds, cette caméra au plus près du muscle et ce surdécoupage qui saisit chaque geste. Alors certes il n'est pas sûr que cette option body-building soit des plus heureuses, mais elle est la marque d'un auteur. A défaut d'être une bonne idée, c'est une idée forte. Une idée qui permet à Stallone d'exprimer une fois de plus son dolorisme, son obsession sacrificielle, son moralisme du dépassement.

En plus de cette belle manière qu'il a de filmer les gestes (il y a souvent des ouvriers dans ses films, comme dans celui-ci ceux qu'on voit monter le décor du spectacle), Stallone confirme son talent pour la direction d'acteurs (souvenez-vous comme Armand Assante était bouleversant dans Paradise Alley) : la meilleure scène du film est un échange entre Manero et sa mère, scène crédible, drôle, vivante, émouvante même ; à part ça, Travolta refait le numéro de charme qui a fait son succès, mais sans trop en faire, juste assez pour que ça ne soit pas une performance ; Finola Hughes alterne moues et sourires de très séduisante manière ; mais la surprise, la vraie, vient de Cynthia Rhodes, parce que, très franchement, je vous l'avoue, je ne m'étais jamais rendu compte jusqu'ici que Cynthia Rhodes était une actrice, parfaite de délicatesse et de précision. Staying Alive, c'est ça : plein de bonnes choses dans un emballage atroce qui empêche de vraiment aimer le film. Mais dans cette hésitation permanente entre le pire et le meilleur (parfois concomitants ), il y a quelque chose de curieux, une sorte de difformité qui n'est pas négligeable.

Publié dans RockaRoll

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