Adios Jacinto

Publié le par Scritch

El Retorno de Walpurgis, Carlos 'Charles' Aured, 1973


Avec Paul Naschy disparaît (façon de parler : bien conservés, les héros pelliculés sont immortels) une figure d'une période assez particulière et méconnue (du moins de moi) du cinéma espagnol, celle de la série B fantastique. Si l'on place tout en haut les superbes productions Hammer (qui sont déjà, budgétairement du moins, des produits de seconde catégorie comparés à leurs équivalents US), et un poil en-dessous leurs copies italiennes, belles mais plus maladroites, le cinéma espagnol arrive en troisième position, ersatz d'ersatz. A cette marginalité financière et technique s'ajoute un contexte bien particulier qui oblige à produire pour l'étranger, les sbires du Caudillo (les salauds, comme les appelle joliment Jess Franco) rhabillant systématiquement toutes les scènes de fesse, ce qui explique peut-être que ce film ne soit disponible que dans un ahurissante VF, la version espagnole étant censurée.waldemar.jpg
Ceci dit, même si l'on est vraiment dans un cinéma de quatrième zone, souvent bancal, parfois affligeant, toujours très cheap (le maquillage du loup-garou, car c'est une histoire de loup-garou, contrairement à ce qu'affirme un titre français désopilant, est involontairement drôle), le résultat est, peut-être aussi à cause de ces maladresses, extrêmement plaisant et occasionnellement touchant. Parce que le loup-garou est une des figures les plus pathétiques et émouvantes du bestiaire fantastique, tueur malgré lui, monstre inconscient prisonnier d'une malédiction, coupable et innocent à la fois. Parce que Paul Naschy compense un charisme improbable par un volontarisme enthousiasmant, une envie de lancer son corps dans l'action, quand bien même ce corps ni beau ni laid (ce qui, au cinéma, est un peu la même chose) n'aurait pas grand-chose de notable. Et parce que, même filmé sans génie (mais semble-t-il avec soin), le bric-à-brac gothique fonctionne toujours : costumes élégants, jeunes filles dénudées, robes vaporeuses, lune blafarde, décors médiévaux décrépis, rituel satanique... le bonheur.
Surtout, El Retorno de Walpurgis réjouit parce que c'est un vrai divertissement. Le mot a été galvaudé, déprécié au point qu'on puisse dire un simple divertissement ou un divertissement sans prétention, alors que ceux qui se souviennent d'avoir appris à lire dans Tintin savent qu'il ne s'emploie pas à la légère. Le plaisir délicieux procuré par cette Empreinte de Dracula (sic), c'est celui d'une histoire délirante racontée avec sérieux, naïve jusqu'à l'absurde (c'est la pleine lune toutes les nuits : si des lecteurs astronomes pouvaient m'expliquer ce curieux phénomène, les commentaires sont là pour ça) mais sans ironie malvenue, belle comme ces antiques bandes dessinées à deux sous qui en coûtent maintenant dix ou vingt fois plus chez les bouquinistes, qui permet, c'est précieux, d'oublier une heure et demi toutes les saloperies du monde.

Publié dans Rêveries

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