Après-Guerre

An American in Paris, Vincente Minnelli, 1951

Les périodes de fêtes sont souvent l'occasion de vérifier l'efficacité persistante du grandclassiquehollywoodien, qui sur le téléviseur familial s'accorde plutôt bien avec la bûche et le champagne. Le grandclassiquehollywoodien est universel, amusant ensemble (quoique pas forcément aux mêmes instants) petits et grands, tout en étant singulier, bien typique de son temps et de son économie. Le grandclassiquehollywoodien ravit l'oeil et l'oreille, sans pourtant, il faut bien l'admettre, proposer grand-chose de vraiment génial. Il ne cherche pas à surprendre au-delà du raisonnable, conscient du fait que le plaisir qu'il procure provient aussi de ce que le spectateur y trouvera ce qu'il était venu y chercher.

L'art de Minnelli est connu, reconnaissable et transparent à la fois, ne se montrant pas. La caméra ne peut pas frimer en même temps que Gene Kelly, au risque d'entrer en concurrence. Elle le suit en de long mouvements discrets ; les cadres sont suffisamment larges pour permettre de situer les corps, les cuts sont aussi absents que possible, le montage ne cherchant pas à imposer un rythme qui serait forcément parasite. Ce n'est qu'académisme de bon sens et pourtant c'est formidable.
Mais ces qualités seules n'aboutiraient probablement qu'à une jolie toile un peu lisse, sans malaise et donc sans sentiments. Derrière une certaine mièvrerie de façade, An American in Paris dévoile par instants de petits bouts de noirceur qui en relèvent l'intérêt - s'il y a des Américains à Paris, c'est qu'avant il y a eu la guerre. Et alors, on trouve une réelle étrangeté à cette histoire de cas sociaux filmés avec luxe, sans le sou mais toujours plus que propres, hantés par la violence du passé proche mais tenus d'afficher un sourire volontaire, vivant dans des appartements minuscules et probablement insalubres richement reconstitués dans les studios de la MGM. Parfois, la lumière la plus éclatante peut faire plus peur que le noir.