Contre la Modernité ?

Publié le par Scritch

Sinbad, Legend of the Seven Seas, Patrick Gilmore & Tim Johnson, 2003

 

Que je ne sois pas totalement emballé par les dessins animés récents n'a rien de problématique en soit : leur rythme, ramassé pour correspondre à la capacité d'attention des enfants, n'est pas le mien ; j'aime quand on a le temps de contempler l'image, le monde-film. Pour autant je n'imposerais pas à un môme innocent, qui aime voir ses héros bondir d'une séquence à l'autre sans temps mort (et il a bien raison), la vision de, par exemple, Gerry, même si je me souviens que gamin j'étais fasciné par Ben-Hur, film qui mettait pas loin d'une heure à vraiment démarrer. Ceci dit, il m'avait semblé à sa sortie que Le Prince d'Egypte, la première excursion (et paraît-il la meilleure) de Dreamwoks dans le genre avait une forme et des thématiques plutôt adultes.

Bon, il doit y avoir autre chose.sinbad.jpg

Quand je découvrais enfant les Disney au cinéma, je savais qu'il s'agissait majoritairement de ressorties, que ces films étaient déjà anciens et que c'était même ce qui faisait leur valeur : ils avaient un statut, c'étaient des classiques qui s'imposaient comme tel. C'étaient par conséquent aussi des objets un peu désuets, des témoignages d'un Burbank du passé. On y chantait dans un style qui n'était pas celui de la musique contemporaine. Déjà un film comme Les Aristochats avait trente ans de retard sur la mode jazz qu'il exploitait. Certains de ces films s'ouvraient même sur un grimoire enluminé, comme s'ils voulaient faire croire qu'ils étaient antérieurs au cinéma même. Alors, forcément, ne me plaît pas trop que Sinbad parle comme un jeune d'aujourd'hui, avec la voix de Brad Pitt, et qu'il soit dessiné (plutôt pas mal, d'ailleurs), comme un personnage de comic-book récent. Il ne suffit pas pour les adultes que les films pour enfants ressemblent à ceux de quand ils étaient eux-même enfants, il faut qu'ils soient comme ceux de quand leurs (grands-)parents étaient enfants.

Un truc qui limite mon attrait pour le cinéma d'animation (parmi lequel je compte néanmoins un paquet de grands films), c'est que j'aime sentir la chair et la sueur, j'aime qu'il y ait une dimension physique, tangible, qu'on croie à la terre sous les pieds et à l'impact des coups de latte dans la gueule. Certes j'aime aussi beaucoup de films vaporeux, aériens, mais parce qu'ils marchent au contraste : dans 2001, on apprécie l'apesanteur parce qu'on sait que l'état normal est la pesanteur ; si Clark Kent fait mine d'être si gauche, ce n'est pas pour masquer qu'il est Superman, c'est pour faire croire que Superman est encore plus formidable. Sur Sinbad, les gens de Dreamworks ont eu l'idée d'insérer des images générées à l'ordinateur, peut-être pour s'approcher de la photographie, de la réalité. Je les trouve plutôt encore plus éthérées, fantômatiques. C'est peut-être paradoxal mais c'est ainsi : me semble réel le gros coup de crayon gras, affirmé, terreux.

Publié dans Rêveries

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