Indéfendable

Publié le par Scritch

Death Wish, Michael Winner, 1974

 

Forcément, peu de monde parmi les gens qui ont écrit les très élogieuses (et c'est justifié) nécrologies de Dino De Laurentiis s'est attardé sur le fait que l'homme était aussi financièrement responsable de Red Sonja, d'Orca, ou de ça, cette chose à peu près universellement vomie, sans doute le film le plus villipendé, le plus honni après Triumph des Willens, et pas forcément à tort.

deathwish.jpgQuand même l'objet n'est pas si facile à cataloguer. Il y a au scénario Wendell Mayes, un vétéran qui a fait des choses pas mal dans le genre classique, avec Preminger entre autres, et qui donne l'impression de vraiment vouloir faire un truc un peu complexe psychologiquement parlant, quelque chose qui mettrait mal à l'aise en posant des questions morales délicates ; politiquement ça s'appelle mettre de l'huile sur le feu, philosophiquement c'est une démarche estimable. Derrière Mayes passe Winner, qui a surtout l'air de vouloir rire grassement.

Vu comme une comédie satirique (mais oui, mais oui), Death Wish devient vraiment curieux, et encore plus inquiétant. Winner est un conservateur anglais (un type qui s'est mis à voter à gauche quand la gauche c'était Tony Blair, pour situer) et c'est important qu'il soit conservateur, mais ça on s'en doutait, et surtout qu'il ne soit pas américain. Parce qu'alors on comprend qu'il y a une part de moquerie grinçante. La séquence-clef du film, c'est celle dans laquelle Paul Kersey, traversant un Far West de pacotille, s'y découvre le goût des armes. Et alors, il n'est pas interdit de croire que Michael Winner, au lieu, comme on l'a souvent lu, de pondre un tract puant à la gloire de la pire réaction US, raille les obsessions sécuritaires de certains américains, leur amour du flingue, leur paranoïa, leur nostalgie d'une grandeur passée qui n'existe que dans les fantasmes des cow-boys les plus obtus. Winner sera plus radicalement sécuritaire dans Death Wish 2, qui affiche plus clairement son vilain message, avant de changer son fusil d'épaule pour un Death Wish 3 hilarant, tellement grotesque qu'il est impossible qu'il ne soit pas auto-parodique - enfin, faut espérer.

Le dernier plan du film est probablement l'un des plus déguelassement cyniques jamais tournés, intolérable de ricanement, et en même temps totalement fascinant et, d'une certaine manière, libérateur pour peu que le spectateur assume sa part honteuse. C'est cette ambiguité qui rend Death Wish détestable, et aussi qui fait sa richesse, sa beauté laide.

Publié dans Tuff Guyz

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