By the Rivers of Babylon

Publié le par Scritch

3 Godfathers, John Ford, 1948

 

Si vraiment il fallait répondre à la question : à quoi sert le cinéma ?, je pourrais répondre, moi salopard mécréant, devant ce film et quelques autres : à croire que Dieu existe. 3 Godfathers est un film qui montre Dieu, Sa présence, sans chercher à passer par l'impossible et blasphématoire (car forcément avilissante, désacralisante) représentation. Simplement chaque plan transpire la grâce, le divin.3godfathers.jpg

Ça commence comme un western normal, il y a le Duke et ses copains qui sont des gangstas, qui font un casse et prennent la fuite dans le désert, classique. Et alors il se passe qu'en fait on est le 24 décembre, et que les trois bandits vont devenir trois roi mages (c'est le Mexicain qui fait Balthazar) d'un enfant Jésus qui naît dans la nuit. Ça pourrait être de la grosse métaphore à semelles compensées, c'est magnifique de simplicité.

Alors, quand le film se trouve un enjeu véritable (les trois brigands doivent trouver la rédemption en traversant le désert pour sauver l'enfant), le film devient incroyable, quasiment abstrait, contemplatif, sortant totalement du modèle narratif classique (auquel on pouvait s'attendre pour une production familiale de ce type), et Ford filme "juste" trois types qui peinent dans le désert immense, un peu comme un pré-Gerry, d'une beauté plastique éblouissante - qui doit beaucoup à la beauté du décor naturel, ce qui fait que, dans une optique religieuse, le cinéaste est humblement  le relais de la création divine, la seule création ex nihilo. C'est dans ce passage du film qu'on trouve ce qui sont probablement les seuls plans un peu psychédéliques de toute l'oeuvre de Ford, quand l'aridité commence à faire perdre leurs sens aux héros. Alors pour se donner du courage, le Duke lit la Bible à voix haute et c'est à fendre le coeur. Et finalement, cette nudité désertique est nettement plus puissante dans l'expression du sacrifice que toute la surcharge doloriste que d'autres auraient pu employer.

Ford s'offre ensuite un épilogue relativement long, qui pourrait sembler superflu s'il ne donnait tout son sens au film, et à tous les films de Ford en fait, toujours voué à la glorification de la chaleur humaine. On ne pouvait trouver meilleur cadre à cet amour (parfois critique) de l'humanité qu'un conte de Noël, genre fort mais facilement casse-gueule. C'est la fête : faites-vous plaisir, offrez-vous le plus beau film du monde.

Publié dans Fleur Bleue

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