Kawai

Publié le par Scritch

Urusei Yatsura 2: Byûtifuru Dorîmâ, Mamoru Oshii, 1984


Avant toute chose, il convient de saluer l'effort d'emballage de l'éditeur Kaze sur l'édition de cette oeuvre de jeunesse d'Oshii, dans un joli coffret aux couleurs du justaucorps de Lamu, et avec tout plein de gribouillages mignons dans le livret. Un moyen comme un autre, et peut-être même plus sympa qu'un autre, de rendre attractif un métrage peu connu, d'un genre souvent confiné à son public "de base", et injustement entaché par les âneries gringoiresques de Ségolène Royal. Préciser qu'on a trouvé cette édition limitée, parue il y a quelques années déjà, dans un bac à soldes le mois dernier peut donc légitimement déprimer. Je ne blâmerai pas ici les non-acheteurs, puisque je ne m'étais pas non plus procuré l'objet en son temps, mais enfin, quand je me remémore ce sympathique vendeur orléanais (qui a fermé boutique depuis) répétant plusieurs fois en moins d'une heure que "Non, y a plus de Danny The Dog, ils sont déjà tous partis", avouez qu'y a d'quoi s'la prendre et s'la mordre.
Beautiful Dreamer est le deuxième long (semble-t-il le seul disponible par ici) consacré à Lamu et sa bande. Au premier abord, cette version cinéma n'est pas bien différente visuellement de la série télévisée : graphisme plaisant mais sans génie et animation un poil trop minimale. Ces imperfections situent bien le film dans son époque et peuvent, à la rigueur, provoquer un effet d'indulgence nostalgique. Il est assez amusant de voir comment ces images d'à peine vingt-cinq ans semblent d'un autre temps, ce qui permet d'apprécier l'évolution esthétique de l'animation japonaise, preuve que non, c'est pas toujours la même chose.
Si le dessin n'est pas encore du niveau des époustouflants Ghost In The Shell d'Oshii, il faut par contre reconnaître que la mise en scène est plutôt au-dessus du standard télévisuel, usant de cadres penchés ou de jeux entre premier et arrière-plan qui peuvent sembler initialement un peu gratuits mais traduisent habilement la confusion spatio-temporelle des personnages ; ces effets vont en s'accentuant en même temps que les Urusei Yatsura pénètrent dans un fantastique disons, lynchien (quelque part entre Groundhog Day et Mullholand Drive), jusqu'à décoller totalement pour un finale assez splendide. Oshii fait ici preuve d'un sens de la progression assez appréciable, mais qui, comme chez Carpenter, requiert la patience du spectateur.
Je connais assez peu l'oeuvre de Mme Takahashi, même si j'ai quelques souvenirs amusés de Ranma 1/2 ; je veux bien croire que son humour en catastrophes exponentielles soit assez drôle sur papier ou dans le poste. Mais ici, si les séquences comiques font sourire au début (le coup de la déco 3ème Reich, il fallait oser), elles grèvent un peu le récit une fois qu'il est sur les rails, introduisant des ruptures de ton pas très heureuses qui ne semblent là que pour justifier le lien avec la série d'origine, pour remplir un cahier des charges supposé voulu par le fan, et qui figent le film dans son statut de produit dérivé, lui empêchant de vraiment montrer un ton propre. On sent comme une hésitation sur la ligne à suivre, entre les conditions posées par Rumiko Takahashi et les aspirations de Mamoru Oshii, qui a fait beaucoup mieux et beaucoup plus libre depuis. Ce conflit entre deux directions pas toujours convergentes fait la limite de ce film un peu bancal, mais aussi sa richesse puisqu'il lui permet de ne pas être qu'un produit conforme, et  parce qu'ainsi on ne sait jamais trop vers où le scénario va bifurquer. Et puis, il y a toujours quelque chose d'assez émouvant à voir un talent singulier émerger par les fissures d'un cadre un peu trop étriqué.

Publié dans Rêveries

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