Nanar compétent

Publié le par Scritch

Leui Ting Jing Gin, Stanley Tong, 2000

 

Soyons sérieux, il est un peu difficile de classer China Strike Force parmi les vrais bons films. La mise en scène de Stanley Tong a gagné en souplesse depuis l'abominablement raide Polic Story 4 (film néanmoins rendu magnifique par la seule présence du lumineux Jackie Chan), mais elle reste d'une non-inventivité assez déprimante. Les acteurs sont tous mauvais ; le film est tourné en anglais pour l'export, un anglais mal dit par des comédiens chinois à l'accent marqué, ce qui donne l'impression que le film a été doublé par des américains racistes qui surjouent l'accent chinois, façon Michel Leeb, rappelant un peu l'époque à laquelle le Duel of Fists de Chang Cheh sortait en France sous le titre impossible Au Karate Takaratake, ce qui fait aussi que c'est Coolio le meilleur acteur du film dans sa version internationale, puisque celui qui maîtrise le mieux la langue - quand Coolio est le meilleur acteur d'un film, on peut se poser de questions. Le scénario (vaguement nationaliste : les méchants sont étrangers) est nul, les scènes d'action rares et entrecoupés de longs tunnels de blabla qui comportent quelques très malheureuses tentatives humoristiques. Pour couronner le tout, mais là ce n'est pas la faute des producteurs, le DVD de chez Opening se paye une jaquette volante de niveau trois avec une photo de Marc Dacascos tirée de Crying Freeman, sans doute parce que c'est son seul rôle vraiment connu.coolio.jpg

Et malgré tout ça China Strike Force est un véritable plaisir à regarder, qui donne la banane et une furieuse envie de mettre une pizza au micro-onde et un peu de bière au frais. C'est un nanar techniquement compétent, une sorte de série B+, un film à trois balles plutôt qu'à deux, c'est-à-dire qu'on y trouve le plaisir simple du cinéma bis avec un léger plus qualitatif et budgétaire. En vérité, le film ne vaut que pour ses cascades, qui sont toutes des morceaux de bravoure. Elles séduisent non pas seulement parce qu'elles sont rigolotes et stupéfiantes, mais aussi parce qu'elles parviennent toujours à abolir la distinction acteur / personnage en faisant croire que le danger existe vraiment pour le comédien, ce qui paraît-il n'est pas totalement faux. C'est un peu comme le montage interdit chez Bazin, si vous voulez. Dans China Strike Force on saute sur des voitures en marche, on fait une course de Formule 1 sur le périph', et on finit (le souffle coupé), en équilibre instable à plusieurs dizaines de mètres du sol. C'est cette folie pas très saine qui fait qu'un film d'action chinois médiocre sera toujours plus fort qu'un film d'action américain médiocre, pas parce que la mise en scène y sera supérieure (les deux pays savent produire des bourrinades carrées et sans génie) mais parce que les garde-fou auront sauté, permettant de retrouver un sens du suspense qu'on avait perdu après la petite enfance, dès lors qu'on avait compris que tout ça n'était pas pour de vrai. Il est bon parfois de ne pas demander au cinéma d'être autre chose que du cinoche.

Publié dans Tuff Guyz

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